samedi 10 février 2024

Les Mauvais Garçons

Eric Easton sera éventuellement cavalièrement écarté de l'histoire des Rolling Stones, d'abord par le prédateur Andrew Loog Oldham, qui ne manquait pas une occasion pour le rabaisser face aux autres, en son absence, puis par Allen Klein, plus tard. Mais il était capital dans la signature des Rolling Stones dont on ramènera le "G". Oldham était énergie, Easton, expérience. Il était argent et connaissances, Oldham était organique et visionnaire. Easton était calme, froid, efficace, Andrew, caractériel, énergique et prétendait connaitre les jeunes et les artistes, se considérant un des leurs. Il était d'ailleurs plus jeune que tous les Rolling Stones.

La combinaison de ce ying et de ce yang faisaient d'eux deux une gérance beaucoup plus solide que les deux, si ils avaient été seuls à le faire, séparément. 

Mais si Loog Oldham pouvait être tranchant, Brian Jones était semblable. L'engagement avec le tenancier de club Giorgio Gomelsky ne tenait plus. Il était énergie lui aussi, mais pas complètement gérant. Ni très concentré sur la chose. Même si il sera bientôt gérant des Yardbirds. Gomeslky devenait le premier ami sacrifié pour le bien des Stones, mais ne serait nettement pas le dernier.

Brian était le plus enthousiaste sur la nouvelle gérance, Keith se concentrait davantage sur la musique et Mick suivait toujours des cours de la London School of Economics. Oldham et Jones partageaient le même type d'ambition et de narcissisme. Une chose qui unit étrangement tous les Stones et Oldham, sont les mauvais garçons. Posh boys fascinated by gangsters dira un de leur premier styliste. 

Malgré toute son inconsistance Andrew Loog Oldham arrivait, armé d'un enregistrement du band studio et d'un autre en spectacle, à vendre et présenter les Stones comme ses Beatles à lui. Dick Rowe, l'homme que l'histoire retiendra comme celui qui avait refusé les Beatles, voit Love Me Do cartonner partout sur terre, il ne ratera pas son coup deux fois. Il les signe pour un album. Oldham, enthousiaste et agressif négociateur réussit à convaincre Rowe que c'est lui qui produira ce premier album. Mais si ALO a une excellente oreille pour développer son flair, en studio, il ne connait rien à rien. 

La version de Come On enregistrée de Glyn Johns sera différente de la sienne. Johns y met plus de piano. ALO étouffe l'instrument de Ian Stewart. Déjà, Oldham a décidé que Stu est un joueur de trop dans le band, avec la tête du gars qui ne cadre pas dans la photo. Les versions varient sur comment la nouvelle a été livrée à Ian Stewart mais Oldham veut lui dire qu'il ne devrait plus compter dans les photos du band. 

La version la plus fréquente est celle disant que la tâche avait été confiée à Keith & Brian de lui annoncer, ce qui était impossible pour Brian qui avait fondé le band avec lui, mais qu'ils ont tant tardé à le faire qu'Oldham a fini par brutalement lui annoncer lui-même. Andrew vendait du sexe et ne voyait nullement un géant à la coupe des années 50 et au menton de Fred Caillou faire le travail. De plus, il se servit de l'argument que 6 têtes sur scène, c'est beaucoup trop pour un public. Mais qu'on aurait toujours besoin de son piano. 

Stu l'aurait pris de manière assez molle. Mais ça ne fait aucun doute qu'il en était blessé. Il était sans vanité et sans ego. Mais il était évident que parfois, sur le côté, la tristesse venait l'habiter. Et de l'intérieur, il devait bouillir. Brian avait beau lui dire "Ne t'inquiètes pas, tu auras toujours le 6ème de ce qu'on gagnera quand même" Brian ne tenait jamais ses promesses. Les mères de ses enfants le savaient déjà trop, aussi. On offre aussi le travail de gérant de tournée à Stu, ce qu'il fera avec application, zéle et humour. Un humour qui ne sera jamais dirigé pour Brian que Stu déteste en silence. Oldham, davantage. Même si Mick se trouve probablement secret derrière la décision de l'écarter. Jagger trouvait aussi qu'un band de 6 se présentait mal sur scène. Et payait nettement moins. On voyait le mal en Brian assez ouvertement. Mick était meilleur mauvais garçon. Le restera toujours.

En très peu de temps, Oldham a fait tomber Glyn Johns, Giorgio Gomelsky et maintenant Ian Stewart. L'été 1963 devient subtilement plus sombre. Une première présence à la télévision à Thank Your Lucky Stars fait hurler John Lennon qui s'écriera "Mais que font-ils en manteaux de tweed, cravates et chemises alors qu'on les voyait tout le temps en jeans et en t-shirts ?". Si le look ne convainc pas, le son le fait. Le 11 août suivant, au National Jazz & Blues Festival, le momentum est définitivement installé. Et l'idée surfaite que Oldham est celui qui voulaient les présenter en mauvais garçons, comparés aux Beatles, est un peu fausse. Brian et Keith sont ceux qui, bien que prétendument chics, travestissent le linge qu'ils ont sur le dos en guenilles leur permettant de mieux jouer de leurs instruments. Ils dénouent le noeud de leurs cravates juste assez avant chaque spectacle pour donner l'impression qu'ils viennent de se battre.

Bad boys.

L'attitude reste celle des hors-la-loi. Pour toujours. Au festival de Jazz & Blues, le clivage semble absolu. Le jazz serait la musique du passé et ce style marginal attirant tous les jeunes, provoquant de files interminables et avec ces jeunes filles poussant des cris hystériques, serait le futur. 

Immédiat. 

Deux semaines plus tard, ils sont encore à la télévision à Ready Steady Go ! Mick, toujours étudiant de la LSE, choisissant de ne pas se réinscrire seulement en septembre. 

Brian, Keith & James Pheldge, un ami commun avec lequel ils s'amusent beaucoup, habitent tous l'appartement malpropre d'Edith Grove. Quand tout le monde quitte Edith Grove, de l'avis de leurs amis d'alors, ça se brise et retombe mal. 

Ou plutôt bien, c'est selon.

Brian emménage avec Linda Lawrence chez les parents de cette dernière. Savoure une vie de famille qu'il ne connaissait pas chez lui. Une curiosité sur sa musique de la part des parents de Linda, des encouragements. Il emprunte même du linge au frère de Linda, parfois. Mick & Keith se trouvent un appartement ensemble dans le Nord de Londres. Oldham reste avec sa mère avec laquelle il a tant une relation tendue qu'il demandera à Mick & Keith si il peut habiter avec eux. Brian ne réalise aucunement qu'une passation des pouvoirs se dessinait. Ce qui ne manque pas à l'attention de James Pheldge qui lui, est resté à Edith Grove, mais reste dans l'entourage du band. Il voit bien que ALO se tourne davantage vers Mick & Keith et que Brian est de moins en moins leader de vision claire. 

Brian est nettement superficiel et se shampoinne obsessivement les cheveux ayant compris que c'est un atout majeur de sa présentation. Le linge est aussi d'une importance capitale. Et ses premiers problèmes de santé se pointent quand il manque 2 spectacles parce qu'il a développé des démangeaisons de peau qui le "défigurent". La santé fragile de Brian sera constante. Il avait été sacrifié de l'équipe de cricket scolaire pour ses problèmes d'asthme trop graves, Bill Wyman pense qu'il souffrait aussi légèrement d'épilepsie, ce qui semble confirmé d'après plusieurs signes, mais qui ne le sera jamais de son vivant. Il était aussi probable bipolaire. Brian détestait sa condition. Il avait confessé à Linda qu'il ne vivrait probablement pas passé 30 ans, à ce rythme. Le con. Se la jouant à Nostradamus. 

Le succès de Come On est modeste mais il est bien là. Il y a momentum et petites vagues. Arrive la fin de 1963. Il faudra faire suivre avec autre chose. 

Croisant Paul McCartney et John Lennon en train de marcher sur la rue, Mick & Keith passent en voiture et remarquent McCartney/Lennon sur la rue, leur lancent un cri. John s'impose dans leur bolide pour faire un tour de voiture avec eux. Paul suit. Mick & Keith leur confessent qu'ils ont besoin d'une nouvelle chanson. On leur suggère "la chanson de Ringo", une chanson que Paul avait commencé pour que Ringo la chante, puis que Lennon et McCartney ont terminé dans un club de Londres, sous les yeux épatés de Mick & Keith. Quand Brian y ajoute sa slide guitar, que Mick se la joue Bo Diddley/Elmore James. On a notre prochain single. Et on est associé, du moins par les auteurs du morceau, à un groupe qui est en voie de dominer le monde musical.

On rend plus sale quelque chose de livré plus propre

Sauce Rolling Stones.

Parce qu'ont est des mauvais garçons. 

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